Le
YMS 24
(Exploré à
partir de 1975)
Le navire
« Lancé le 10
janvier 1942 aux chantiers Greenport Basin & Construction
Co, le YMS 24 était un petit dragueur de mines à
coque en bois, de 42 m.
de long, 280 Tx, à deux moteurs de 1000 CV, qui lui
donnaient une vitesse de 12 noeuds.
450 de ces bâtiments furent construits au total pendant la guerre et la
marine américaine en perdit 23, dont deux sur les côtes de Provence : YMS 21
et YMS 24. Certains seront remis à la France en 1944. L'armement était
d'un canon de 76 et de deux canons anti-aériens.
Le YMS 24 participa à la campagne d'Italie, puis au débarquement de Provence.
Le naufrage
La perte du YMS 24,
ainsi que celle du HMS/ML 563 sont relatés dans le rapport de l'officier
survivant, le Lt John RCOX, le Commandant Samuel R.
Pruett ayant péri dans l'explosion. En voici le
texte :
[...]
Dans la matinée du 16 août 1944, après avoir participé au débarquement allié
sur les côtes de France, l'USS/YMS 24 était occupé
à un dragage acoustique et magnétique de mines dans le golfe de Fréjus, en
compagnie du YMS 63 et du YMS 200 Le YMS 63 servait de guide, avec YMS 24 à bâbord
et YMS 200 à tribord, à 450
m. de distance.
L'officier commandant le YMS 63 était le chef de la formation et obéissait
aux ordres du commandant de la 17e division de dragueurs.
YMS 24 avait sa traîne magnétique, et le dispositif acoustique fonctionnait,
avec 22 m.
de câble [...] La vitesse était de 9 noeuds. Entre 8 h 30 et 12 h 20 six
mines magnétiques ou à combinaison furent neutralisées par cette formation.
Ce groupe de dragueurs magnétiques était en opération dans des eaux
simultanément draguées par une formation de BYMS britanniques en ce qui
concernait les mines à orins. Comme les BYMS étaient à quelque
distance derrière, on peut considérer que le YMS 24, étant sur le côté
intérieur de la formation, se trouvait à l'extérieur des eaux draguées à 12 h
20.
À 12 h 20, YMS 24 entame un virage bâbord en réponse à un commandement, à peu
près dans la position 43 24 15 N et 06 45 30 E, dans 52 mètres d'eau.
Immédiatement après il y eut une explosion sous-marine soit directement sous
l'étrave, soit un peu sur bâbord.
Cela eut immédiatement pour conséquence la destruction et la perte du tiers
avant du navire, à hauteur du milieu du pont supérieur et de la cloison
étanche entre l'avant et le poste de l'équipage. Une grande quantité de
débris fut projetée du gaillard avant sur le pont principal, la plupart non
identifiables, mais quelques uns provenant à l'évidence du local du Maître
d'équipage, situé sur le côté tribord.
Le canot, situé sur l'arrière du gaillard à bâbord, fut brisé, et les radeaux
considérablement endommagés. La plupart des dégâts subis sur les
superstructures et vers l'arrière fut attribué à ces projections. Les
ouvertures du navire furent bouchées pour le rendre le plus étanche possible.
Toutes les écoutilles du pont principal et du pont inférieur furent
solidement fermées. Les hommes étaient déjà en gilet de sauvetage et casque,
par ordre du capitaine.
La force de l'explosion fit sauter apparemment les œuvres vives entre les
membrures 43 et 61. Environ 30 minutes plus tard on constata qu'il y avait à
peu près 75 cm
d'eau dans le poste d'équipage avant et la chambre du compas. A cet instant,
la cloison étanche restant à l'avant était apparemment intacte bien que la
porte de communication fut ouverte par l'explosion à
environ 7,5 cm
du fond. Le niveau de l'eau fut estimé à environ 25 cm derrière cette porte.
Aucune remontée d'eau dans la chambre des machines, dans la salle du
générateur et les autres compartiments en arrière. Les machines du navire et
le générateur continuèrent à fonctionner jusqu'à ce qu'ils fussent arrêtés,
et le gouvernail étant à droite toute, le navire fit au moins deux tours
complets sur bâbord avant de stopper. Le générateur de la drague continua à
envoyer des impulsions jusqu'à son arrêt. Les générateurs du service de
sécurité du navire furent arrêtés environ 10 minutes après l'explosion, quand
on observa qu'il y avait un dégagement de fumée derrière le panneau du
générateur, probablement dû à un court-circuit. Le chef mécanicien informa
l'officier principal que la pompe de cale ne pouvait pas fonctionner du fait
de la disparition de la partie avant de la ligne de prise d'eau. La pompe
portative fut aussi abandonnée, car endommagée par des éclats qui
détruisirent le local dans lequel elle était rangée.
Il n'y eut pas de gerbe à la suite de l'explosion, qui ne fut accompagnée
d'aucune détonation exceptionnellement forte. La partie médiane du bateau fut
soulevée au-dessus de l'eau et l'arrière submergé jusqu'au niveau du pont
principal avant de se redresser et se stabiliser. Ensuite, le bâtiment reprit
son équilibre avec un enfoncement graduel vers la proue.
Un amoncellement de débris et d'eau grasse entourait la partie avant du
navire sur environ 10 m.
La force de l'explosion prouvée par les débris projetés semblait avoir été
concentrée au-dessus et sur le côté de la quille. Deux hommes, se tenant sur
la plate-forme du canon avant, furent projetés à une distance de 30 à 50 m. sur tribord.
À partir de ces observations et de la situation des champs de mines avant et après
l'explosion, il est probable que le sinistre et la perte soient imputables au
heurt d'une ou plusieurs mines ennemies ancrées à 1,50 m ou moins. Peu de
temps après l'explosion il fut certain que le navire pourrait se maintenir à
flot un court laps de temps du fait de la flottabilité de ses compartiments
arrières, bien qu'il soit enfoncé de l'avant, et on s'efforça de soigner les
blessés, d'établir la liste des disparus et des morts, de détruire les
équipements secrets et sauver les documents.
L'officier en second assuma le commandement dès que l'on découvrit que le
Commandant avait été tué sur le coup à son poste sur le pont.
Environ 10 à 15 minutes après l'explosion, USS/YMS 63 et HMS ML 563
manœuvrèrent pour se trouver à couple et aider aux secours. YMS 63 accosta de
son côté bâbord la poupe du YMS 24, et ML 563 de son étrave, à gauche du YMS
24.
Environ 20 minutes plus tard, une autre explosion retentit sous la poupe du
ML 563 détruisant approximativement son tiers arrière. Cela eut sans aucun doute
pour conséquence de nouvelles voies d'eau dans la coque du YMS 24 et une plus
grande rapidité de remplissage de ses compartiments.
YMS 63 repéra à ce moment deux mines sous la surface apparemment dans la
ligne de route et s'éloigna avec les blessés et les survivants qu'il avait
déjà embarqués. Cette action fut considérée comme logique et nécessaire par
les officiers restés sur les deux bâtiments sinistrés.
Environ 40 minutes plus tard, un LCVP fut envoyé à travers le champ de mines
et évacua les survivants et les blessés restant sur les deux navires.
L'ordre d'abandonner YMS 24 fut donné après qu'il fut constaté qu'il
s'enfonçait fortement de l'avant, qu'il n'y avait aucun moyen d'épuisement de
l'eau et qu'il y avait d'autres mines situées à proximité, avec le danger que
cela représentait pour le personnel restant à bord.
Il n'y avait aucune raison de sauver les biens du gouvernement ou des effets
personnels si l'on considérait l'encombrement du LCVP avec les hommes qui y
étaient blessés ou mourants. Autant que l'on sache aucune tentative de
sauvetage ne fut effectuée par les équipes de sauvetage du fait du danger que
représentaient les mines pour leurs navires.[...]
Environ six heures après la première explosion, YMS 24 coula dans environ 18
à 27 mètres
d'eau en position 06 44 45 E et 43 24 45 N. L'heure exacte et la position ne
purent être précisées car la visibilité était diminuée par les émissions de
fumée de cette zone."
Remarque
Les péripéties de
ce double naufrage ont été vérifiées en général par nos plongées l'officier
survivant déclare que le navire était en action de dragage. Le dispositif est
en effet en place sur le pont. Le tambour du câble de drague est vide.
L'explosion à l'avant a vraiment coupé le navire en deux parties.
Il y a au fond une grande épave coupée net au niveau d'une cloison étanche
et, un peu plus loin, un bloc informe qui correspond au gaillard d'avant. Sur
la cloison étanche avant, les portes sont fermées. Le navire était à droite
toute, le gouvernail est en effet sur cette position sur l'épave. Les
tentatives de pompage de l'eau sont attestées par la présence d'un groupe moto-pompe sur le pont, crépine dirigée vers la salle des
machines, tuyaux épars sur l'épave. Mieux encore, nous avons retrouvé une
montre de bord bloquée à 12 h 12 alors que l'officier affirme que l'explosion
eut lieu à 12 h 20.
Le coffre-fort du bord où devaient se trouver les papiers secrets était
ouvert. À l'intérieur il ne restait plus que les calques des chenaux de
sécurité des champs de mines de "Caroline".
Qu'est devenu le YMS 24 ?
Ce dragueur est à
environ 1400 mètres
à l'Ouest du Lion de Mer, dans la baie de Fréjus. Une bonne enseignure vers l'Est : le sémaphore du Dramont est à la verticale exacte de la dernière petite
roche à droite, au large de la pointe Sud de Santa-Lucia,
pointe qui, vue du site de l'épave se confond avec l'extrémité droite du Lion
de Mer. Vers la base aéronavale, le clocher de Fréjus est sur un appontement
rouillé ou sombre, au tiers gauche d'un long hangar gris, aux nombreuses
fenêtres. Ces alignements concernent la partie centrale arrière, tandis que
l'avant, méconnaissable, gît 400 mètres plus au large, par 52 mètres, pyramide de
tôles couvrant une surface de moins de 10 m. par 10 m.
La partie
principale, donc, conserve encore sa forme, bien que toutes les planches
aient disparu du bordé. L'explosion a coupé net la proue au niveau de l'avant
de la cabine. Le navire est légèrement penché sur tribord, et les
superstructures, cabines, mâts, cheminée, armement ont versé sur ce côté. Le
centre du navire, par 43
mètres de fond, est occupé par un amas de ferrailles
sans ordre, mais on observe encore bien les cheminées, les canons et les
salles des machines qui sont en bon ordre.
La partie arrière est occupée par des dispositifs de dragage : treuils,
énormes bobines d'enroulage de plusieurs mètres de diamètre, câbles, bossoirs
et leurs énormes poulies. Une motopompe portative est recouverte de filets.
Le bois est pourri et le jour entre à travers le bordage et le pont disloqué.
Les vestiges métalliques sont rouillés et dangereux. Les manches à air sont
disloquées. Un trop grand nombre de fils électriques, de cordes de mouillage,
de fils d'acier, de tuyaux d'incendie, de filets en nylon rendent cette
plongée délicate et dangereuse, d'autant plus que la visibilité est en
général mauvaise, de l'ordre de un à deux mètres, exceptionnellement
supérieure à cinq mètres, et que le fond se trouve à 48 mètres. Le courant
est nul, ce qui n'arrange pas la visibilité.
L'avant du navire
se trouve au large, vers le sud-sud-est par 52 mètres de fond. Il
ne reste absolument rien d'intact sur cette grosse pyramide de ferraille qui
monte jusqu'à 46 m.
Seuls quelques détails attestent son appartenance au YMS : mêmes échelles,
coque en bois. Il est impossible de reconnaître un gaillard d'avant, car tout
est tordu et cassé.[...]>> (1)
(1)-
"Naufrages en Provence" (N° 8) de J.-P. Joncheray
(p. 486 à 490)