LATECOERE 298
Entre les deux guerres, la
France met en œuvre des hydravions torpilleurs au sein de
l’Aéronautique Navale. Mais les progrès technologiques sont importants et
entraînent une amélioration continue des performances. Il faut donc prévoir le
renouvellement des matériels en cette période d’incertitude politique en
Europe. Raison qui amène la
Marine à établir, en 1933, une fiche programme pour un
hydravion torpilleur rapide capable de succéder au Latécoère 290.
DEVELOPPEMENTS
Assez rapidement, en se basant sur son expérience, la SILAT (Société Industrielle
d’Aviation Latécoère) conçoit un modèle rompant radicalement avec la série des
290 à 297.Tout d’abord, en adoptant une voilure semi-basse cantilever et un
fuselage de section ovoïde, le bureau d’étude privilégie l’optimisation des
performances tout en étant tributaire des motorisations disponibles. Le cahier
des charges présente des exigences de qualités aérodynamiques, de stabilité, de
facilité de pilotage et de visibilité mais aussi de qualité strictement marine.
En 1934, l’ingénieur en chef
Moine présente un avant projet qui fait l’objet d’une maquette grandeur en bois
pour l’étude des aménagements. En avril 1935, après des essais en soufflerie de
maquettes, le projet est modifié, notamment la voilure dont l’allongement est
accru et les flotteurs, qui avaient été repris du 290, dont le dessin est revu
et affiné. Cette seconde mouture du projet Laté 298 est retenue et le 10 août
1935, le marché n°762/5 est passé par le ministère de l’Air au compte de
l’Aéronautique Navale.
Evolution du dessin, du projet initial jusqu'au n°01
Le prototype Laté 298 n°01
terminé est officiellement présenté les 31 mars et 1er avril 1936.
Le moteur est un Hispano-Suiza 12Ycrs-1 à 12 cylindres inversés de 880cv entraînant
une hélice tripale Ratier de série 1434 à changement de pas.
Le prototype Laté 298 n°01
Il effectue son premier vol
depuis l’étang de Port Leucate le 8 mai 1936 avec le pilote d’essai Gonord et
le mécanicien Vergès.
Le Laté 298 est donc un
monoplan à fuselage métallique et à voilure de forme trapézoïdale avec
extrémités elliptiques, de profil Latécoère 550, de structure métallique
entoilée. Ailerons et volets de courbure sont en bois entoilés ainsi que les
gouvernes de queue. Le moteur Hispano-Suiza est utilisé sans canon axial suite
à des problèmes d’encombrement. Deux mitrailleuses Darne 7,5mm sont implantées
en voilure avec 300 cartouches chacune.
Le prototype et sa verrière de section angulaire
Après des essais constructeur
rondement menés où le poids maxi au décollage est progressivement porté à
4400kg en augmentant le volume de carburant des flotteurs, le Laté 298-01
rejoint le CEPA (Commission d’expérience Pratiques Aéronautiques) de Saint
Raphaël le 25 septembre 1936. Après cette campagne d’évaluation, il est remis
partiellement au standard de série à l’usine de Biscarosse, notamment la
verrière ovoïde prévue sur les modèles 298-A. Cet avion servira à
l’entraînement des équipages, à des essais d’hélices et enfin comme maquette de
définition du futur modèle 298-E.
Un Laté 298-A de la fin de série
Les LATE 298A, B et D
Le 10 août 1937, commande
est passée de 25 appareils désignés Laté 298-A. Peu après 11 Laté 298-B à
voilure repliable sont également commandés. Un avenant du 28 juillet 1938
demande une modification pour rabattre les saumons des empennages et ramener
ainsi l’encombrement à 4,75m, largeur de l’appareil voilure repliée (nécessité
par les dimensions du hangar du Commandant Teste. Une double commande est aussi
demandée et la répartition devient la suivante : 24 Laté 298-A et 12
modèles 298-B.
Les différences extérieures
avec le prototype se résument à la verrière et à la présence devant le pare
brise d’un rail semi circulaire destiné à recevoir le chariot mobile du viseur
de torpillage Levasseur 7-B1.
La chaîne de montage à Biscarosse
Le premier avion de
production 298-A n°1 effectue son premier vol le 29 octobre 1938, d’une durée
de 40mn, aux mains de l’équipage d’essais Gonord-Vergès.
La Marine souhaitant créer deux autres escadrilles de
torpillage côtier, des commandes supplémentaires sont passées. Rapidement un
type 298-D est créé, ce n’est autre qu’un 298-B avec une voilure fixe. La
différence est donc mineure avec le modèle 298-A et concerne l’absence de
double commande.
Essai en usine du système de repliage du 298-B
La mitrailleuse arrière Darne mod. 1933
Une patrouille de Laté 298 de l'escadrille T1 de Berre
en 1939
Le prototype 298-E
Au cours de l’année 1939, la SILAT présente un projet
d’hydravion de surveillance à grande visibilité dérivé du type B et D. Une
gondole d’observation prend la place de la soute à torpille. Le 298-D n°81 est
transformé et le nouveau prototype vole le 25 avril 1940. Une commande est
passée pour 30 exemplaires au printemps. Mais assez vite, elle est annulée car,
outre des performances dégradées, l’observation n’est finalement pas meilleure
que sur les modèles classiques !
Les marchés passés peu avant
l’armistice de 1940 vont être bientôt sans objet.
Le Laté 298-D n°81 en cours
de transformation
Le LATE 298-F
Le 4 août 1941, un marché
est passé auprès de la société Breguet, devenue propriétaire des ex-usines de la SILAT, pour la fabrication
de 30 appareils (n° de série 104 à 133). Des modifications sur le dessin des
capotages moteur, le remplacement des Darne par des MAC 1934 Modifié 39,
l’adjonction de plaques de blindage pour l’équipage, la modification des lances
bombes et la suppression de la double commande arrière justifient l’appellation
298-F. Mais lors de l’invasion de la zone sud, en 1942, le 298-F n°130 venait
d’être livré.
Le LATE 298-F ‘JUMO’
En 1947, un contrat d’étude
est passé pour le montage du moteur Junkers Jumo 213A, disponible en un
certain nombre d’exemplaires, sur une cellule de Laté 298 récupéré. La cellule Latécoère
s’avère très résistante et largement capable d’encaisser les 1700cv du moteur
allemand. Toutefois des modifications nécessaires au refroidissement du nouveau
groupe tempèrent un peu le bilan. Malgré l’accroissement de la traînée, les
performances sont en nette progression avec près de 380km/h à 2500m.
Deux avions ont été modifiés
pour mener des essais qui n’auront aucune suite.
Au total, 130 exemplaires
tous modèles confondus ont été construits de 1938 à 1942, ventilés de la
manière suivante :
Laté 298-01 Prototype
Laté 298-A Hydravion
torpilleur côtier et de surveillance 29 exemplaires
Laté 298-B Version
à ailes repliables et double commande 42 exemplaires
Laté 298-D Version
à aile fixe du modèle B 32 exemplaires
Laté 298-E Version
de reconnaissance (modification du Laté 298-D n°81)
Laté 298-F Version améliorée, armement, blindage mais sans double
commande
27 exemplaires
Laté 298-F ‘Jumo’ 2 prototypes (montage moteur Junkers
Jumo 213A sur des cellules récupérées)
Caractéristiques du modèle A
Envergure 15,50 m Longueur 12,56 m Hauteur 5,25 m
Masse à
vide 3070 kg Masse totale de 4359 à 4517 kg suivant les
missions
Surface
31,60 m²
Propulseur
1
moteur 12 cylindres Hispano-Suiza 12Ycrs-1 de 880 CV
Entraînant une hélice
Ratier série 1577, Φ3,60m à vitesse constante.
Vitesse
maxi 286 km/h à 2500 m Temps de montée à 2000 m 6mn 47s
Plafond 5450 m Autonomie de 800 à 2200km
suivant les missions
Armement 2 mitrailleuses Darne de 7,5 mm en voilure approvisionnées à 300 cartouches
1
mitrailleuse Darne sur pivot mobile Gaubert à l’arrière du cockpit avec 800 cps
1 torpille Type 1926 DA de 450mm et 670Kg
ou Type 1925 DAI de 400mm et 750Kg
ou
2 bombes 75kg ou 1 de 150kg sur lances bombes GPU
A Berre, fin 1939 le T3-10 sur le parking de
l'escadrille T1
Les Laté 298
AU COMBAT
L’entraînement des équipages
n’a commencé que fin octobre 1938 sur le prototype et n’a véritablement eu lieu
qu’avec la réception des premiers avions de série en janvier 1939.
La drôle de guerre
A l’entrée en guerre, 36
appareils sur les 41 livrés sont opérationnels dans 4 escadrilles de torpillage
désignées T1, T2, HB1 et HB2 (hydravions de bord basés au départ sur le
Commandant Teste et répartis ensuite à terre pour permettre au navire de convoyer
des avions commandés au Etats-Unis). Avec la poursuite des livraisons, les
escadrilles côtières T3 et T4 sont constituées
Le 1er mars 1940, une partie
des unités de l’Aéronavale est réorganisé sous la forme de flottilles
tactiques. Des missions d’escorte de convois en Manche et mer du nord sont
menées par les 3 escadrilles de la flottille F5T. Plusieurs appareils sont
perdus sur accidents.
La guerre
Au déclenchement des
hostilités, 85 avions des 3 types ont été livré.
Depuis Cherbourg, des
opérations sont menées sur des objectifs terrestres entre Boulogne et la Baie de Somme. Le 23 mai, 5
appareils sont abattus par la flak ou la Luftwaffe.
Après l’entrée en guerre de
l’Italie, des missions sont menées entre le 17 et le 23 juin contre des
objectifs côtiers et la flotte italienne.
L’armistice met fin à toute
activité. Sur un total de 103 appareils livrés, seuls 75 ont survécu aux
combats.
Largage d'une torpille DAI 1925 de 400mm
Sous Vichy
Les 8 escadrilles existantes
sont renommées, mais à la suite de la réduction du potentiel aérien imposé par
les commissions d’armistice, seules 4 escadrilles sont maintenues en activité.
Le 4 juillet 1941, la 1T participe aux opérations de Syrie contre les anglais.
La 7F de son côté (composée des escadrilles 5T et
6T) est envoyée à Dakar toujours sous le giron de Vichy. Ensuite, en raison des
restrictions draconiennes imposées, les 3 flottilles de Laté 298 végètent
jusqu’en novembre 1942, date à laquelle la Luftwaffe en prend le contrôle.
Les avions sont éparpillés
et n’auront qu’un rôle secondaire de liaison et d’observation au sein des
forces d’occupation.
Un Laté 298-D de
l'escadrille 6T – Dakar 1942
Le dénouement
Les unités d’Outre-mer,
après les débarquements alliés, sont réorganisés et participent aux opérations
contre les forces de l’Axe, notamment avec des missions de lutte anti
sous-marine. Les Laté 298 récupérés de toute provenance et remis en état sont
regroupés à Saint-Mandrier pour former la 2S. La 3S, créée le 1er
avril 1945 avec d’autres avions reconditionnés, sera dissoute le 1er
février 1946 après des opérations sur le Lac de Constance.
Des éléments de la 2S sont
envoyés à Hourtin pour appuyer les opérations de réduction des poches de
l’Atlantique. Elle est dissoute le 1er mai 1946.
La dizaine de Laté 298
restante est affectée à l’escadrille 53S, école des pilotes d’hydravion,
constituée à Hourtin. Les appareils disparaissent progressivement sur pertes
accidentelles et le dernier termine sa carrière en 1951 et finit à la
ferraille.
Le Laté
298-D n°57 de l'escadrille 2S à St Mandrier en octobre 1945
Une patrouille de la 53S
basée à Hourtin en 1949
Laté 298-B de la HB1 sur le Commandant Teste
Laté 298-A de la flottille 6F escadrille 4T à Berre,
novembre 1942
Laté 298–D (ex n°97 ou 98) testé
à Travemünde, 1940-1941